Du dev à l'infra : le parcours de Lucas, Ops chez Microsoft
Du dev à l'infra : le parcours de Lucas, Ops chez Microsoft
Au développement informatique est très souvent associé le métier de développeur. Et comme celui-ci a la cote dans le milieu IT, il est fréquemment mis en avant. Du coup on ne parle que très rarement du métier d’ingénieur Ops ! C’est super de coder et de créer de nouveaux sites web et applications, encore faut-il superviser correctement leur fonctionnement une fois développés :-).
Aujourd’hui, on rencontre Lucas, 32 ans, ingénieur infra chez Microsoft. Celui-ci a fait le choix de la reconversion après plus de trois ans de “l’autre côté”, en tant que dev - toujours chez Microsoft. Avec nous, il revient sur ce tournant dans sa carrière, sur ses hésitations et ses doutes. Explications.
Kate : Salut Lucas ! Merci beaucoup pour le temps que tu nous accordes aujourd’hui. Peux-tu commencer par te présenter en quelques mots ?
Lucas : Le plaisir est partagé ! Je suis ingénieur en infrastructure chez Microsoft. En gros, je m’assure que les bases de données vendues par Microsoft à ses clients fonctionnent correctement 24h/7j. Je ne m’occupe pas de développer de nouvelles lignes de code, je suis là pour vérifier de la bonne marche du système IT d’un projet ou d’une entreprise.
Kate : Mais tu n’as pas toujours été Ops ? Peux-tu revenir sur ton parcours et tes expériences ?
Lucas : J’ai un parcours assez classique en IT : j’ai d’abord obtenu un Master en alternance dans une école privée, en informatique. À la fin de mes études, j’ai eu la chance d’intégrer Microsoft en tant que développeur. Rapidement, j’ai réalisé que les métiers liés à l’Ops et l’Infra étaient moins prisés mais que la demande des entreprises augmentait de façon exponentielle. En voyant l’importance que prenaient les technologies cloud dans le monde la tech, j’ai arrêté d’hésiter et j’ai commencé à postuler pour des jobs spécialisés dans tout ce qui est infrastructure réseaux.
Kate : En tant qu’ancien dev, as-tu eu du mal à trouver un poste en tant qu’Ops ?
Lucas : Non car je n'avais qu'une seule condition : trouver un CDI. Pour atteindre mon but, je me suis assuré de viser un poste qui ne demande pas énormément d’expériences. De plus, l’entreprise qui m’a recruté en Roumanie cherchait des francophones. Forcément, ma langue maternelle a fortement joué dans la sélection de mon profil.
Kate : Pourquoi avoir immigré en Roumanie d’ailleurs ?
Lucas : C’est avant tout un choix personnel : j’avais cette envie de prendre le virage de l’infra et j’étais déterminé à démarrer une nouvelle aventure, j’ai fait du 2 en 1. En plus, comme le niveau de vie en Roumanie est moins élevé, je n’ai pas senti de répercussions sur mon train de vie malgré une baisse sur mon salaire. J’étais conscient qu’il fallait que je me forme à nouveau avant d'atteindre un niveau proche de celui que j’avais en tant que dev. Après 3 ans à travailler pour Axway, je suis à nouveau contacté par Microsoft. On me propose un poste d’Ingénieur Infrastructure au sein de l’entreprise, que je peux réaliser en distanciel, donc rester habiter loin de Bucharest. Le jackpot donc ! Je fais un métier que j’aime, dans un pays que j’adore.
Kate : Finalement, c’est quoi la différence entre le dev et l’infra ?
Lucas : En termes de métier, c’est radicalement différent ! Les devs créent des logiciels, apps, sites web, etc. Les Ops créent des infrastructures réseaux qui vont faire tourner ces fameux logiciels. Pendant longtemps, les métiers étaient opposés, mais de plus en plus d’entreprises comprennent que ce sont deux rôles complémentaires. Devs comme Ops ont un même objectif final : un logiciel disponible pour les utilisateurs, qui tourne bien.
Kate : Je vois. Et concrètement, comment passe-t-on du dev à l’infra ?
Lucas : Personnellement, j’ai passé des certifications dans le cadre de mon poste chez Microsoft. Il existe de nombreux organismes, disponibles en ligne, qui permettent de monter en compétences. Je suis moi-même mentor sur Openclassroom : j’accompagne des profils intéressés à se diriger vers l’Infra. Le principal frein pour ces personnes-là, qui a été également le mien quand j’ai changé de voie, c’est l’impression de régresser, de repartir un peu en arrière. Par exemple, quand on passe de dev à chef de projet, l’image qu’on dégage est carrément positive. Passer de dev à Ops est davantage perçu comme un ralentissement dans la carrière d’un dev. Les Ops sont encore extrêmement stigmatisés, je trouve ça franchement dommage. Si j’étais resté en France quand j’ai changé de métier, j’aurais dû revoir complètement mon style de vie le temps de monter en compétences sur mon nouveau domaine d’expertise.
Kate : L’ancien dev que tu es se sent-il légitime dans l’exercice de son métier ? As-tu eu ce qu’on appelle “le syndrome de l’imposteur” ?
Lucas : Je pense que chacun d’entre nous passe un peu par ce sentiment à certaines phases de nos carrières professionnelles. Je pense notamment au tout premier job qu’on décroche. On passe d’étudiant à professionnel. La personne qui nous a recruté nous fait confiance, ça ajoute forcément une pression supplémentaire. Et c’est d’autant plus dur quand on est en phase de reconversion, ou même pour certains profils. Je pense aux femmes dans la tech, pour donner un exemple de plus. Il y a un vrai sujet qui tourne autour de la légitimité. Sans aller jusqu’à l’imposture, comment faire en sorte que notre manager ait confiance en nous, si nous-même sommes encore peu sûrs de nos compétences ?
Kate : Du coup, quel conseil donnerais-tu à un dev qui hésite à se lancer dans l’infra ?
Lucas : La première étape est de travailler la confiance en soi. C’est justement ce qui fera disparaître peu à peu ce sentiment d’illégitimité. Ce n’est pas simple, mais c’est les soft skills ici qu’il faut travailler. Inspirer confiance, ce n’est pas forcément proposer un joli CV ou mettre en avant son super diplôme obtenu. C’est ce qu’on dégage, notre façon de communiquer, de présenter un projet, notre écoute et notre compréhension du monde.
La deuxième étape c’est de relativiser. La pression prend racine dans nos propres peurs, et c’est nous qui nous la mettons. Dans d’autres cas, c’est le contexte qui peut nous faire stresser. Alors que je sortais de l'école et que je démarrais mon nouveau job, Microsoft vendait mon profil à ses clients de plus de 10 ans d’expérience. Forcément, ça met un peu la pression.
Kate : Comment as-tu travaillé ta confiance en toi ?
Lucas : Je précise que ce qui a marché avec moi ne va pas forcément marcher avec tout le monde. Mais dans les moments où le doute m’envahit, j’aime faire un tour dans mon passé et me rassurer en récapitulant mes victoires. Les certifications Cloud que j’ai obtenues m’ont beaucoup aidé à relativiser. Dans les moments où j’avais peur de ne pas être à la hauteur, je me rappelais que j’avais obtenu toutes ces certifications grâce à un travail acharné, à la loyale. Quand on réussit à atteindre ses objectifs après un travail honnête, il ne s’agit pas de les mettre de côté et de les oublier. Au contraire : on les note et on les met en avant quand l’occasion se présente !
Kate : Parle nous de ton setup d'ingénieur infra ?
Lucas : Il est basique… Deux laptops : un pour bosser quotidiennement, et un autre dédié aux tâches de production demandés par Microsoft. J’ai une souris Bluetooth. Ah, si, j’ai une petite particularité : j’ai la chance d’avoir deux “bureaux” chez moi. Une pièce pour l’été, une pièce pour l’hiver !
Kate : Un mot pour la fin ?
Lucas : J’aimerais revenir sur le sujet du manque de légitimité qu’on peut ressentir dans le cadre pro. J’ai remarqué que dans la plupart des cas, ce mal-être découle directement du style de management d’une entreprise et/ou d’un manager toxique. Je dois mes montées en compétences aux personnes qui ont été bienveillantes avec moi. Je dirais donc que l’environnement de travail est primordial, et qu’il faut s’attacher à postuler dans des entreprises qui ont à cœur de prendre soin de leurs collaborateurs.